Comment électriser les férus de mobilité ?
De bonnes et mauvaises idées pour l’été et un peu de poésie, bordel, le tout dans une seule infolettre
Édito
Par Guillaume Bresson
C’est la fin des congés estivaux et, avec elle, vient poindre l’interrogation existentielle de choisir ce dont on va causer dans cet éditorial de rentrée. Et comme d’habitude, le travail s’est fait tout seul grâce à la magie des marronniers journalistiques de l’été. Le 12 août, TF1 a diffusé un reportage comparant voitures électrique, hybride et diesel sur un même trajet, jugeant temps de parcours, prix et impact écologique, brassant le sempiternel questionnement sur la possibilité de partir en vacances autrement qu’avec du pétrole dans le réservoir.
Le segment s’est essentiellement concentré sur la durée du voyage, le conducteur de l’électrique ayant réussi à atteindre les 5 heures pour faire les 310 km prévus, là où les autres ont mis environ 3 h 30. En cause, une mauvaise connaissance du journaliste (et aussi pas mal de malchance) qui ressemble beaucoup aux aprioris les plus communs : inquiétude liée à la panne de batterie, utilisation partielle ou incorrecte d’un planificateur d’itinéraire adapté, méconnaissance du fonctionnement de la recharge, départ avec une batterie pas tout à fait pleine, etc.
Le sujet a généré énormément de réactions sur les réseaux sociaux et beaucoup ont pointé les manquements du reportage et la piètre image qu’il contribue à véhiculer sur l’électrique (c’est la rentrée, on fait ce qu’on peut sur les jeux de mots). Un youtubeur a été jusqu’à refaire le parcours au volant de l’exacte même auto. On imagine aisément que Volkswagen, qui avait sûrement prêté le modèle utilisé par TF1, n’a pas dû être bien satisfait de la publicité occasionnée. Résultat : le trajet s’effectue très bien d’une traite sans recharge.
Si les reproches se sont surtout focalisés sur le traitement du véhicule électrique et sa large méconnaissance par le journaliste, on pourrait aller plus loin et se demander s’il n’aurait pas été plus pertinent de faire un travail sur l’état des stations et le maillage de celles-ci en France, les types de recharge et leur coût, l’autonomie réelle des batteries, etc. Autant de points qui montreraient aussi, et de façon plus juste, que posséder une voiture électrique nécessite de savoir deux ou trois choses et d’anticiper un minimum ses déplacements, ce qu’on ne fait plus depuis un certain temps avec une essence ou un diesel.
Mais pour pousser la réflexion encore davantage (sinon pourquoi s’embêter à faire un édito ?), de manière générale, considérer les véhicules électriques comme de purs équivalents à des thermiques rate quelque chose de la transformation que l’on doit opérer dans le secteur de la mobilité. Celles-ci ne devraient être une solution que lorsqu’aucune alternative n’existe ou ne peut être mise en place par la puissance publique. Et dans ce cas, il faudrait tendre vers les formats les plus petits possibles (le reportage compare trois SUV dont on connaît l’impact environnemental délétère). Enfin, avec une telle orientation « conso », on ne discute pas d’un éventuel changement des habitudes visant à partir plus près ou là où des transports collectifs (train, par exemple) peuvent déjà nous mener. Le remplacement systématique d’une thermique par une électrique reste une mauvaise solution à long terme pour le climat et la biodiversité et tant que l’on manque cet aspect, on perd du vue l’ampleur de la transformation que l’on doit conduire, véhiculer, covoiturer, voire partager.
La revue de presse
La compagnie aérienne Wizz Air a eu l’excellente idée, par les chaleurs qui courent, de mettre en vente des abonnements pour des vols « illimités » (voir conditions, nombreuses) pour 600 € par an. Plus de 10 000 personnes ont donc investi pour être certaines de pouvoir en profiter tant qu’on peut. Après tout, c’est sûr que quand il faudra émettre moins de 2 tonnes de CO2 par personne, ce sera sans doute moins rentable. Un message qu’a dû bien comprendre le nouveau patron de Starbucks qui a prévu de pendre régulièrement le jet privé de l’entreprise pour se rendre sur son lieu de travail à quelque 1 600 km de chez lui. On imagine facilement qu’il n’a pas trouvé d’alternative en bus ou RER.
La voiture électrique à 100 euros par mois a touché sa cible — Les Échos
Un premier bilan partiel de l’offre de leasing social, dont on parlait ici et qui visait à louer des voitures électriques à 100 € (à nuancer suivant modèles, options et assurance) aux ménages les plus modestes, a pu être dressé par la Direction générale de l’énergie et du climat. Le dispositif a bien permis l’accès à des véhicules flambant neufs aux Français aux revenus les plus faibles (en même temps, c’était un critère d’éligibilité), avec un âge moyen de 40 ans, soit 9 de moins que la moyenne des acquéreurs d’électriques sur 2023. C’est fou comme avec de l’argent bien orienté, on arrive à convaincre les gens de passer à l’électrique.
Congés : que sont les Temps de Trajet Responsable ? — France 2
Autre reportage, autre chaîne. Cette fois-ci c’est sur le service public (promis, ce n’est pas fait exprès) qu’on parle de Temps de Trajet Responsable ou TTR. Une pratique, très peu répandue jusqu’ici, qui permet aux entreprises d’encourager les salariés à prendre des transports peu carbonés en octroyant des jours de congés supplémentaires. De quoi éviter de prendre l’avion pour partir se dorer la pilule sur une plage bondée. De la pure positivité à nuancer puisque la proposition repose souvent sur des journées « semi-off » où l’employé est tout de même encouragé à travailler si cela est possible. Faut pas déconner non plus.
À bord du Bernina Express, les Alpes en CinémaScope — Le Monde
Les sagas sur le train sont en passe de devenir un nouvel indécrottable des journaux. Après Libération qui proposait cinq étapes « politiques » du train en Europe, Le Monde fait dans l’originalité avec… cinq voyages en train en Europe. Ne cherchez pas l’aspect politique ici en revanche, puisqu’il est question de beaux paysages et de descriptions bucoliques. Ça ne fait pas de mal de temps en temps, ma foi. Le dernier épisode devrait paraître en même temps que vous recevez cette infolettre.
La sélection du blog
La carte du mois : l’avion. Sébastien Doumic cause avion et partage quelques éléments liés à l’impact du secteur aéronautique en rappelant aussi son rôle dans les grands événements comme les Jeux olympiques.
Transition juste des mobilités. Valéry Pernot revient sur les inégalités d’accès à la mobilité et sur les leviers à activer pour permettre une transition bas carbone juste à partir des travaux d’Aurélien Bigo.
Les actualités de la Fresque
Les prochains ateliers proches de chez vous (enfin, on l’espère) :
Tous les ateliers sont à retrouver sur la billetterie de la Fresque de la Mobilité (dont de nombreuses éditions en ligne).